Philippe Nathanson

Philippe Nathanson  (1932-2004)

Philippe Nathanson est né le 6 Décembre 1932 à Alexandrie en Egypte. Son père Herman, originaire d’Autriche, s’y installa pendant la première Guerre Mondiale et travailla comme dentiste auprès de la haute société. Sa mère Margaret naquit en Egypte dans la famille Regenstreif, famille d’optométristes originaire d’Odessa en Ukraine et installée en Egypte en 1904. La famille de Philippe était aisée. Annie, sa sœur ainée et son mari Robert, décédés tous les deux, n’eurent aucune connexion avec les affaires clandestines, mais furent également arrêtés et soumis à des interrogatoires lorsque l’Affaire fut dévoilée. Une fois libérés, ils quittèrent l’Egypte pour s’installer à Paris.

Jusqu’à l’âge de 16 ans, Philippe fit ses études à l’Ecole Juive d’Alexandrie, puis au Lycée Français où il obtint son baccalauréat. Dès l’enfance il s’engagea dans les mouvements de jeunesse, d’abord aux ’Scouts Maccabi’, ensuite au Mouvement ‘Hehaloutz Hazair’ (l’Union des Pionniers). Lors de la Guerre d’Indépendance d’Israël en 1948, les mouvements de jeunesse juifs furent interdits et les activités du ‘Hehaloutz’ devinrent clandestines. Beaucoup de ses membres furent arrêtés mais ‘le le mouvement poursuivit ses activités qui consistaient essentiellement à organiser l’aliah (l’émigration) des jeunes en Israël ainsi qu’à venir en aide à ceux qui avaient été incarcérés dans la prison d’Abu Kir. Par la suite ‘le Hehaloutz’ se désintégra et donna naissance au mouvement ‘Dror’ (Liberté). Des communistes ainsi que des membres d’autres mouvements s’infiltrèrent dans le ‘Dror’, ce qui conduisit à la division du mouvement, et Philippe se retrouva avec un groupe restreint. Il fit la connaissance de Robert Dassa qui subséquemment fut mobilisé en même temps que lui dans l’Unité 131.

Lors de la création de l’Etat d’Israël, le Service des Renseignements de l’armée ne n’avait qu’une seule unité exécutive, soit l’Unité 131, destinée à des missions d’espionnage dans les pays arabes, principalement en temps de guerre – ce n’est qu’à la fin de 1953 que le Service des Renseignements devint une section à part entière dans l’Etat-Major.  En 1951 le capitaine Abraham Dar officier dans l’Unité 131, fut envoyé en Egypte afin d’enrôler de jeunes Juifs sionistes qui pour récolter des informations au service de l’Unité. Abraham se fit aider d’activistes sionistes et des membres du ‘Mossad le-Aliah Bet’ pour recruter des jeunes gens de confiance.

Victor Levy, enrôlé dans la cellule d’Alexandrie, recommanda son bon ami Philippe Nathanson. Philippe rencontra Abraham Dar et se joignit à la cellule. Il consentit à cacher du matériel illégal dans sa maison où l’on construisit un ‘slik’ (Cachette d’armes). Abraham lui prescrivit d’apprendre la technique de la photographie et du développement des photos et lui attribua par ailleurs la responsabilité des messages codés du groupe. Philippe fut accepté comme apprenti dans un atelier de photographie où il développa ses connaissances dans le domaine. Il quitta le mouvement ‘Dror’ et se fit une réputation de jeune libertin.

Pour se rendre d’Egypte en Israël afin d’y recevoir une formation, Philippe s’inscrivit à la faculté d’études d’ingénieur à Paris. Sa demande fut acceptée, mais ce n’est qu’à la fin de 1952 qu’il reçut l’autorisation de quitter l’Egypte pour un an. Philippe arriva en Israël en janvier 1953 et débuta son entrainement militaire dans l’Unité 131. Il étudia entre autres la photographie et le décryptage des codes. Il suivit une partie des cours avec Robert Dassa et tous deux avaient l’habitude de fréquenter la maison de Suzanne, la fiancée de Victor.

Les cours terminés, Philippe partit pour la France où il passa quelques semaines, puis prit le bateau pour l’Egypte. A son retour il obtint un poste à la bourse du coton et put ainsi circuler librement dans le port d’Alexandrie, lieu de grand intérêt pour les membres de la cellule. Philippe reprit son entrainement. Il avait ramené avec lui d’Israel les instructions de fabrication d’explosifs à effet pulvérisant, et les membres du groupe entreprirent de les fabriquer dans l’entrepôt du jardin de ses parents. A cette époque Philippe était devenu un photographe prisé et il se lança également dans la photographie artistique. Il gagna même quelques prix dans des concours de photographes amateurs.

En 1954, la décision de la Grande Bretagne de retirer ses troupes d’Egypte, suscita une vive inquiétude en Israël. Un membre du personnel dans les Services d’Information suggéra de saboter des installations britanniques et américaines en Egypte afin que les Anglais reconsidèrent leur décision. Avri Elad, officier dans l’Unité 131, fut envoyé à Alexandrie pour diriger les membres de la cellule. La cellule du Caire s’était désintégrée depuis la démission de Moshe Marzouk quelques mois auparavant, car on ne lui avait pas nommé de successeur.

Philippe reçut un message codé de Paris annonçant l’arrivée prochaine d’Avri Elad. La première rencontre eut lieu à son domicile. Philippe, sceptique de nature, fut surpris de voir Elad au volant d’une voiture ostentatoire. Lorsqu’il comprit que la cellule entrait en action, il exigea que les matériaux et les documents fussent évacués de sa maison et demanda si les passeports pour fuir d’Egypte étaient prêts en cas de nécessité. Avri Elad fit des promesses diffuses en ce qui concerne les passeports et ordonna de laisser le laboratoire improvisé en place.

Philippe participa à trois actions. La troisième, dirigée contre des cinémas du Caire et d’Alexandrie, eut lieu le 23 juillet 1954, date d’anniversaire du putsch militaire. La charge explosive explosa prématurément dans sa poche, sur les marches du cinéma Rio à Alexandrie et il fut arrêté immédiatement. Par la suite Philippe témoigna avoir entendu un des agents de sécurité égyptiens qui se trouvait sur place, calmer la foule en déclarant « N’ayez pas peur, n’ayez pas peur ! Nous les attendions, ce sont ceux qui ont mis le feu à la bibliothèque américaine ». Victor Levy qui se trouvait à ses côtés sur les lieux, parvint à s’échapper mais fut arrêté quelques heures plus tard. Phlippe, (qui avait été blessé par l’explosion, fut transporté en ambulance à l’hôpital. On l’interrogea immédiatement, et avant même de soigner ses blessures, on l’emmena chez lui pour entreprendre des fouilles et enquêter. En quelques jours, les autres membres des deux cellules furent arrêtés ; ils furent traduits en justice en Décembre 1954. Le seul qui ne fut pas arrêté était leur commandant Avri Elad. On découvrit plus tard qu’il avait trahi ses subordonnés et les avait livrés aux services de renseignements égyptiens. Philippe fut le premier à soupçonner la trahison d’Avri Elad et en fit part à ses amis en prison. Au début, ils se refuserent à le croire, ne voulant pas admettre une telle hypothèse. Néanmoins à la longue, ils accumulèrent des bribes d’informations sur l’enchainement des événements depuis le moment de l’explosion, en passant par les enquêtes et jusqu’à l’arrestation de tous les membres du réseau. Ils furent finalement convaincus que Philippe avait raison et qu’Avri les avait bel et bien trahis.

Le Dr Moshe Marzouk, commandant de la cellule du Caire et Samuel Azar, commandant de celle d’Alexandrie, furent condamnés à mort et exécutés par pendaison le 31 décembre 1955. Les autres membres du réseau furent condamnés à de longues peines de prison. Philippe Nathanson fut condamné à la prison à vie avec travaux forcés. Philippe et ses amis endurèrent de cruelles tortures au cours des interrogatoires et souffrirent beaucoup tout au long de leur emprisonnement.

Les premières années, Philippe et ses amis furent mis aux travaux forcés dans une carrière. Un jour, Philippe se sentant harcelé par un des gardiens de prison qui lui administra des coups de bâton sentit la moutarde lui monter au nez. Il s’empara du bâton et se rua sur le gardien. Les prisonniers s’empressèrent de séparer les adversaires, et Victor accourut au secours de son ami, tandis que les gardiens rouaient les détenus de coups. Conséquemment à l’émeute, Philippe fut envoyé au cachot. Quand il en sortit, il fit l’admiration des prisonniers, des jeunes en particulier et le fameux gardien garda dorénavant ses distances.

Durant son incarcération, Philippe a écrit des poèmes en français, il pratiquait la culture physique et s’est initié au yoga à l’aide d’un livre qu’il avait obtenu. Selon ses propres paroles, il lui importait de garder la forme ‘afin de pouvoir rendre les coups si nécessaire’. Philippe était audacieux et avait la langue aiguisée. Il concota de nombreux plans d’évasion mais ne les concrétisa pas, étant donné que ses parents et d’autres membres de la famille vivaient encore en Egypte. Ses amis et lui décidèrent de ne pas les mettre en danger.

Vers la fin de la troisième année de prison, les autorités de la prison à qui on avait demandé de composer un album de photos des prisonniers, firent appel aux compétences de Philippe dans le domaine. Il les aida à la tâche et ensuite ouvrit un cours de photographie pour les gardiens. Il fut nommé photographe officiel de la prison, y circulait librement et accédait à tous les lieux où l’on requérait des photos. Il eut ainsi l’occasion d’accompagner dans d’autres prisons l’équipe de basket dirigée par Robert Dassa.

Philippe développa également un amour pour les oiseaux. Il éleva un couple de perroquets qui se multiplièrent à tel point qu’il fallut en transférer une partie dans une cage en dehors de la cellule, et même contre son gré, en céder une partie en guise de ‘pot de vin’ aux officiers de la prison. Les perroquets devinrent ‘la folie’ de la prison de Toura.

Durant ses années d’emprisonnement, les parents de Philippe luttèrent sans arrêt pour libérer leur fils. Ils ne manquèrent pas une visite chaque fois que cela leur était permis. En 1964 le Dr Nathanson fut terrassé par une crise cardiaque, en marchant dans une rue d’Alexandrie. Sa mère Margaret, femme de noble caractère, refusa de quitter l’Egypte et continua de rendre visite à son fils tant que possible. Elle l’aidait lui et ses amis, en leur donnant de l’argent, en leur fournissant des toiles et des couleurs pour qu’ils puissent peindre, ainsi que des perroquets et autres agréments. Ce n’est qu’après la libération de Philippe qu’elle consentit à émigrer en Israël. Elle vécut à Tel Aviv dans la simplicité, toujours prête à aider son entourage et travailla comme volontaire à la bibliothèque de l’Université de Tel Aviv jusqu’à la fin de ses jours. Elle s’éteignit à l’âge de 81 ans.

Robert Dassa, Victor Levy, Marcelle Ninio et Philippe Nathanson furent libérés dans le cadre d’un échange de prisonniers après la Guerre des Six Jours et arrivèrent en Israël début février 1968. La même année, Philippe épousa Barbara, nouvelle émigrante d’Afrique du Sud, qu’il avait rencontrée à l’oulpan d’hébreu à Guivataïm. Ils eurent deux enfants, Ariel et Sharon.

Philippe reçut le grade de commandant dans le Service de Renseignements de l’armée et fut promu ultérieurement lieutenant-colonel.

En Israël, il travailla d’abord comme photographe pour le journal de l’armée ‘Ba Mahane’, ensuite il travailla pour le Mossad où il se rendit utile de nombreuses années. Après sa retraite, il continua à y faire du travail volontaire à temps partiel.

Il conserva toute sa vie sa nature optimiste et son sens de l’humour. Il aimait et appréciait la vie ainsi que toute créature, et chérissait sa famille.

Philippe Nathanson mourut en mai 2004. Sur sa pierre tombale sont gravés en épitaphe les paroles d’Eitan Haber, journaliste et secrétaire en chef du bureau du Premier Ministre Itzhak Rabin : « Âme noble, Lord du pays des Pharaons ».

 

Liens complémentaires :

En souvenir de Philippe – Interview avec sa femme Barbara (septembre 2019)

En souvenir de Philippe – Interview avec ses enfants (septembre 2019)

Le site d’Arie Avneri– Le silence éloquent de Philippe

 

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