L’Affaire

‘L’Affaire’

Après la Guerre d’Indépendance, TSAHAL (sigle de l’armée israélienne) se prépare pour de nouveaux affrontements et met sur pied l’unité 131 des services secrets, destinée à servir essentiellement en temps de guerre. Celle-ci enrôle de jeunes juifs dans les pays arabes ayant pour tâche de récolter des renseignements en temps normaux et en temps de guerre, de mener une guerre psychologique et exécuter les missions spéciales.

En 1951 le capitaine Abraham Dar attaché à l’unité 131 arrive en Egypte où il crée des cellules clandestines dans les villes du Caire et d’Alexandrie. Le Docteur Moshe Marzouk, jeune médecin de haute compétence, est placé à la tête de la cellule du  Caire. Samuel (Sami ) Azar, brillant étudiant en génie électrique, est préposé à la tête de la cellule d’Alexandrie. Au groupe du Caire se joignent Mayer Zafran et Eli Naïm. Celui d’Alexandrie enrôle des membres activistes de mouvements de jeunesse clandestins : Robert Dassa, Victor Levy, Mayer Meyohas et Philippe Nathanson. Marcelle Ninio postée au Caire est responsable des liens entre les cellules. Entre 1952 et 1953 certains des membres sont arrivés clandestinement en Israël où ils reçurent un entrainement militaire considéré déjà à l’époque comme un entrainement d’amateur.

En été 1954 les pourparlers entre la Grande Bretagne et l’Egypte concernant le retrait des Anglais touchaient à leur fin. Ce retrait suscitait de sérieuses craintes en Israël. Les dirigeants de la sécurité militaire et politique du pays recherchaient un moyen de faire échouer ce retrait ou du moins de le différer. En juin 1954 Avri Elad, officier dans l’unité 131, est envoyé en Egypte pour organiser les activités des membres des différentes cellules. L’objectif était d’exécuter des missions de sabotage mineur contre des installations britanniques et américaines afin de créer des remous en Egypte et empêcher ainsi que l’armée britannique ne quitte le pays. Ces missions n’étaient pas compatibles avec les objectifs originaux dans lesquels avaient été créées les cellules. Avri Elad était un personnage controversé. Quelques années auparavant, il avait été congédié de l’armée pour vol de matériel et était réputé pour avoir un passé peu recommandable.

Tous les membres de la cellule d’Alexandrie et de celle du Caire (demeurés sans travail depuis des mois), et parmi eux Marcelle chargée des connections entre les cellules, furent arrêtés. On arrêta également Meir (Max) Bineth, agent actif dans les services secrets israéliens. Posté en Egypte à l’époque, il était chargé de rester en contact avec les membres. Leur commandant Avri Elad demeuré libre, quitta l’Egypte sain et sauf deux semaines plus tard.

 

Ces jeunes gens étaient animés par leur dévouement et leur fidélité à la patrie. Ils ont agi sous les ordres d’un dilettante qui avait négligé le compartimentage ainsi que les possibilités d’évasion. Il s’est avéré ultérieurement que leur commandant les avait trahis et livrés à l’ennemi. Ils ont tous enduré la torture, subi de cruels interrogatoires et été condamnés lors d’un procès ostentatoire. Marcelle Ninio a tenté de se suicider pendant l’enquête. Meir Bineth a mis fin à ses jours durant le procès. Les dirigeants des deux cellules, le Docteur Moshe Marzouk au Caire et Samuel Azar à Alexandrie furent condamnés à la pendaison et périrent sur l’échafaud le 31 janvier 1955. Victor Levi et Philippe Nathanson furent condamnés à la prison à vie, Marcelle Ninio et Robert Dassa à 15 ans de prison et Mayer Meyohas et Mayer Zafran à 7 ans de prison.

En 1956 après l’opération « Mousquetaire » soit la Guerre du Sinaï, Israël détenait environ 5000 prisonniers égyptiens. Les dirigeants du pays et de l’armée n’ont pas entrepris d’échanger les condamnés du Caire contre ces prisonniers ; par conséquent les héros de cette affaire demeurèrent encore de longues années en prison.

Après la Guerre des Six jours en 1967, Israël détenait environ 6000 prisonniers égyptiens. Moshe Dayan, chef d’état-major à l’époque où l’affaire avait éclaté ainsi que durant la Guerre du Sinaï, et Ministre de la Défense en 1967, n’entreprit toujours pas de démarche pour libérer les condamnés. Meir Amit, chef du Mossad à l’époque, exigea que le Ministre de la Défense et le gouvernement entreprennent des négociations pour libérer les quatre derniers prisonniers demeurés en Egypte, sous peine de démissionner. Grâce à lui les quatre derniers prisonniers furent libérés – Marcelle, Robert , Victor et Philippe. Ils revinrent en Israël en février 1968.

Les cercueils du lieutenant-colonel Samuel Azar et du lieutenant-colonel Dr Moshe Marzouk ne furent rapatriés qu’au printemps 1977 suite à une démarche personnelle du Dr Joseph Marzouk, frère de Moshe, auprès du Président égyptien à l’époque, Anwar El Saadat.

Dans cette Affaire, des officiers supérieurs de l’armée ont omis d’assumer la responsabilité de leurs décisions et de leurs actes, ils ont menti aux commissions d’enquête, falsifié des documents et abandonné en Egypte ces jeunes prêts à sacrifier leurs vies pour l’Etat d’Israël. Ils n’ont pas rempli leur devoir de rapatrier les cercueils d’Azar et de Marzouk pour être enterrés dans leur pays.

Le dilettantisme qui caractérisa la gestion du groupe d’Alexandrie (celui du Caire était exempt de toute activité depuis décembre 1953) ainsi que ses conséquences sur la vie civile et militaire représente sans aucun doute l’événement le plus chaotique qui ait secoué l’Etat d’Israël au cours des vingt-cinq premières années de son existence, et cela jusqu’à la Guerre de Kippour.

La question clé était « qui a donné les ordres » ? Celle-ci a causé la chute de gouvernements et a entre autres occasionné la démission finale de David Ben Gourion de la fonction de premier ministre en 1963.

Le tumulte et l’agitation provoqués par l’Affaire ont quelque peu estompé la mémoire de ses héros : les condamnés à la potence et les prisonniers, les jeunes juifs d’origine égyptienne, membres des mouvements de jeunesse sionistes, qui ont agi avec candeur, par dévotion et sens du sacrifice. Ils sont dignes de servir d’exemple pour les générations futures.

X סגירה
Retour haut de page