Dr Moshe Marzouk

Lieutenant-colonel Dr Moshe Marzouk

Moshe, fils de Rachel (née Menashe ) et de Lieto (Eli ) Abraham Marzouk, est né au Caire le 20 décembre 1926. Tous les samedis il participait aux prières dans la synagogue de sa communauté Karaïte, assis à côté de son grand-père, le Rabbin Moshe Ben Rabbi Abraham Menashe. Il fut élevé dans l’amour de son Peuple et de la Terre d’Israël et prit part à l’entrainement dans la Haganah dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale en 1945.
Moshe termina ses études primaires et secondaires dans des écoles publiques. De 1944 à 1950 il fit ses études de médecine à l’hôpital universitaire de la faculté de médecine Fouad Premier, de l’Université du Caire. Il se spécialisa en chirurgie et en anesthésie. Il travailla d’abord à l’Hôpital Universitaire (1950), ensuite à l’Hôpital Ophtalmologique de Giza (1951) et enfin à l’Hôpital Juif du Caire. Il acquit rapidement sa renommée de médecin excellent et de caractère sensible. En été 1954, par l’intermédiaire d’une connaissance en Suisse, il postula pour une poste de chirurgien à la ‘Koupat Holim Clalit’ en Israël et il fut accepté.
En juin 1948, quelques semaines après la proclamation de l’Etat, les ‘Frères Musulmans’ introduisirent deux charrettes de crème-glace piégées dans le quartier juif du Caire (Haret el Yahoud). L’une dans le quartier des Juifs Rabbiniques et l’autre dans celui des Juifs KaraÏtes. Les explosions tuèrent 22 personnes. Le représentant de la Haganah en Egypte nomma Moshe responsable de la protection du quartier et Moshe nomma son ami Mayer Zafran comme adjoint. En 1949 on intercepta des informations disant que les ‘Frères Musulmans’ préparaient une nouvelle attaque contre ‘Haret el Yahoud’. Moshe et Mayer prirent les dispositions nécessaires et parvinrent à contrecarrer ce projet, tout en courant de grands risques personnels.
A la demande du ‘Mossad le Aliah Beth’, branche secrète de l’Agence Juive chargée de l’immigration juive illégale avant la création de l’Etat ainsi qu’après 1949, Moshe fut chargé dès 1950 des examens médicaux des candidats immigrants en provenance d’Egypte.
En 1951 on lui demanda d’accompagner une malade âgée hospitalisée en section chirurgicale à l’Hôpital Juif du Caire, qui devait être transférée chez sa fille à Paris. Moshe profita de l’occasion pour quitter l’Egypte et partir ensuite de Paris en Israël où on l’enrôla dans l’unité 131 du Service des Renseignements de l’armée. En 1952 il subit un entrainement professionnel, reçut le grade de sous-lieutenant et fut posté en Egypte comme commandant de la cellule du Caire. Au fil du temps, Moshe comprit à quel point l’entrainement qu’ils avaient reçu était insuffisant, et qu’il existait un écart énorme entre ce que l’on attendait d’eux d’une part et d’autre part leurs capacités d’agir sur le terrain. Il avertit le lieutenant-colonel Motke Ben-Tzour, commandant de l’unité 131, que le Service des Renseignements israélien mettait injustement ses gens en danger. Lorsqu’il se rendit compte que ses objections ne changèrent rien aux desseins stratégiques en Israël, il donna sa démission et rendit l’appareil de transmission qu’on lui avait confié. En pratique, on ne nomma pas de commandant à sa place et la cellule du Caire se désintégra.
En été 1954, les membres du réseau de l’unité 131 à Alexandrie reçurent l’ordre de commettre des actes de sabotage dans des installations publiques au Caire et à Alexandrie. Très vite les membres des deux cellules furent découverts et arrêtés, interrogés avec cruauté, jugés en procès ostentatoire et la plupart furent condamnés à de longues périodes de prison. Ultérieurement on découvrit que l’officier qu’on avait envoyé d’Israël pour diriger leurs actes sur place, Avri Elad, les avait trahis et livrés aux services de sécurité égyptiens. Elad pensait que Moshe était toujours aux commandes de la cellule du Caire et Moshe qui ne l’avait pas informé, endossa seul la responsabilité du commandement des deux cellules, parfaitement conscient des conséquences que cela impliquerait. Il espérait ainsi sauver ses amis et ses subordonnés de la peine de mort. Il y réussit en pratique, sauf pour Samuel Azar, commandant de la cellule d’Alexandrie.
Moshe Marzouk et Samuel Azar furent condamnés à mort par pendaison. Le 31 janvier 1955 ils furent tous deux pendus au Caire. Les dernières paroles de Moshe avant de monter à l’échafaud furent « partez tous là-bas, vous n’avez pas d’avenir ici ».
Après leur mort, ils reçurent tous deux le grade de lieutenant-colonel de l’armée israélienne.
Le rapport concernant les agissements des cellules provoqua de sérieux tumultes en Israël. Il fut connu sous les noms de ‘l’Affaire’ ou de ‘l’Affaire Malencontreuse’ et entraina la chute de gouvernements en Israël. Après plus de cinquante ans, cette histoire est encore partiellement nébuleuse. Il faut espérer que dans un futur proche, les conditions permettront de mettre à jour toute la vérité sans voiles ni obstacles.
Le 19 avril 1977 les cercueils de Moshe Marzouk et de Samuel Azar furent rapatriés en Israël. Le 24 avril au lendemain de la Fête de l’Indépendance, ils furent inhumés dans la section des martyres du cimetière militaire au sommet du mont Herzel à Jérusalem.

 

Discours prononcé lors du colloque de l’Etat-Major des Services de Renseignements militaires à l’occasion du soixantième anniversaire de ‘l’Affaire Lavon’ dite ‘l’Affaire Malencontreuse’
Le Centre du Patrimoine des Services de Renseignements – Printemps 2015
Le Dr Yosef Marzouk
Monsieur le Directeur des Services de Renseignements, Messieurs les membres de l’Etat-Major,
C’est avec émotion que je m’adresse à vous. Bien de décades se sont écoulées depuis les événements survenus en Egypte durant l’été 1954. Les Services de Renseignements avaient toujours refusé d’en assumer la responsabilité, de mettre à jour ces faits dans le but d’une analyse critique et objective. J’ai le privilège de pouvoir participer à la présente manifestation guidée exclusivement par le souci de professionnalisme, de jugement critique, d’honnêteté et de prise de responsabilité. Je vous remercie, Monsieur le Directeur, d’avoir permis la réalisation de cette journée, ainsi que les organisateurs qui m’ont octroyé l’honneur de venir prononcer ces paroles. Afin de surmonter l’émotion, permettez-moi de vous lire mon message.
Je désire consacrer les quelques minutes qui me sont accordées pour vous dépeindre le portrait de mon frère ainé, le Dr Moshe Marzouk, gradé lieutenant-colonel. Pour ce faire, je vais vous raconter deux anecdotes qui à mes yeux, reflètent une image fidèle et intense du personnage de Moshe ainsi que de son univers intérieur.
En mai 1954 je suis allé en France pour régler des affaires familiales et rencontrer Moshe. A l’époque j’étais au milieu de mon service militaire en Israël. J’avais alors le statut de soldat isolé (sans famille dans le pays). Moshe et moi occupions le même hôtel. Un jour Moshe rentra à l’hôtel très agité. Je lui demandai ce qui le perturbait. Il me répondit « je ne peux pas parler ». C’était une réaction exceptionnelle de sa part car nous étions très proches. Je notai dans mon agenda ‘very depressed’ pour exprimer mon désarroi de ne pouvoir aider mon frère. Je me séparai en larmes de lui qui repartait pour l’Egypte, comme si j’avais eu le pressentiment qu’il s’agissait de notre dernière rencontre.
Ce n’est que cinquante ans plus tard, lorsque je lus le livre de Issar Harel « Un homme s’élève contre son frère » (traduction libre), que je fis le rapport entre les événements et compris que mon frère était revenu bouleversé et perturbé d’une rencontre avec son commandant Motke Ben-Tzour. Durant tout le mois de mai 1954, Motke Ben-tzour, commandant de l’unité 131 avait séjourné à Paris pour suivre de près les préparatifs aux actions du réseau en Egypte. Vers la fin du mois il convoqua les commandants des cellules. Seuls Moshe et Avri Elad étaient venus. Samuel Azar avait cédé le commandement de la cellule d’Alexandrie à Victor Levy car il devait passer des examens pour ses études ces jours-là. Lors de son rendez-vous avec Moshe, Motke lui avait annoncé l’intention de faire participer les cellules à des actes de sabotage. Les membres n’avaient pas été entrainés au sabotage et ne possédaient pas non plus le matériel adéquat.
Suite aux divergences de leurs points de vue, Motke congédia Moshe de son poste. Il déclara également savoir qu’un emploi de chirurgien l’attendait à l’hôpital Beilinson et lui suggéra de prendre l’avion pour Israël. Moshe lui répondit qu’il rentrerait en Egypte et que quelques mois plus tard il émigrerait en Israël. Il justifia sa décision du fait qu’il craignait que Motke ne profite de son absence pour abuser de la naïveté et de l’enthousiasme de ses adjoints au Caire en les exposant à des risques. C’est pourquoi Motke ordonna à Avri Elad de ne mettre en action que la cellule d’Alexandrie. Malgré qu’il s’était opposé à l’action, lorsqu’on lui demanda en cours du procès, qui était le responsable ? Il répondit « moi », en pleine conscience des conséquences de sa réponse.
Voici donc l’illustration de quelqu’un qui fait preuve de forte tête plutôt que de petit esprit, qui prend l’initiative d’une responsabilité non-officielle plutôt que de se limiter à sa responsabilité formelle, en un mot, la différence entre un leader technocrate et un véritable leader qui fait preuve de charisme.
Lorsque Moshe entendit prononcer les verdicts et présuma que son ami Eli Naïm serait libéré, il savait qu’Eli ferait son aliah en Israël. Il s’adressa à lui, lui demandant de me transmettre le message suivant qui est en quelque sorte son testament :
1. Ne venge pas mon sang !
2. Si tu donnes jour à un fils, donnes-lui mon nom.
3. Pante un arbre à mon nom en Israël.
La première requête quoiqu’énoncée négativement, transmet un contenu totalement positif. Elle reflète une position mûrement réfléchie et dotée d’une haute valeur morale tant sur le plan personnel que sur le plan public.
J’ai répondu de grand cœur à la seconde requête. Mon fils ainé se nomme Moshe Marzouk.
Quant à la troisième requête : Moshe ne s’était pas imaginé qu’un jour son corps serait rapatrié pour être inhumé en Israël. C’est pourquoi il voulait qu’un arbre soit planté en sa mémoire,et enfoncerait profondément ses racines dans cette terre.
Après neuf ans de lutte, avec l’aide généreuse et acharnée de la femme du Président de l’Etat à l’époque, Madame Rachel Yanaït Ben-Zvi, je réussis à faire planter un bosquet au nom des ‘Condamnés du Caire’ près du ‘Mémorial Kennedy’ au sud de Jérusalem, à proximité de ‘Hourvat Saadim’. Ce bosquet est actuellement plein d’animation ; il contient des engins de sport et des tableaux mémoriaux retraçant l’histoire de ‘l’Affaire’ ainsi que la biographie des trois victimes : le lieutenant-colonel Meir (Max) Bineth, le lieutenant-colonel Samuel Azar et le lieutenant-colonel Dr Moshe Marzouk.
Pour résumer le personnage de Moshe : il était un homme réfléchi, droit et modeste, un homme qui chérissait sa famille, son peuple et son pays.
Je vous remercie à nouveau de m’avoir permis de vous dépeindre le personnage de mon frère Moshe.
Lien complémentaire :
Dr Moshe Marzouk sur le site ‘Ishé Rehov’ (Noms de personnes donnés aux rues) par Aliza Grinbaum

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