Mayer Zafran
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Mayer est né au Caire le 15 aout 1928, fils de Joseph et de Flora née Gategno. Son grand-père Moshe Gategno était arrivé en Egypte de Prusse après la Première Guerre Mondiale. La famille de son grand-père paternel était en provenance de Yanina et de Corfou en Grèce et s’installa en Egypte avant la Première Guerre. Son père a travaillé pendant 25 ans comme directeur des entrepôts de l’entreprise Katawi Pacha située à Komombo près d’Assouan en Haute-Egypte, à 1500 km au sud du Caire. A proximité se trouvait une grande ferme où l’on cultivait le blé, le maïs pour la farine et la canne à sucre. Mayer grandit à Komombo jusqu’à l’âge de 7 ans, après quoi ses parents l’envoyèrent vivre chez ses grands-parents Mordechaï et Esther au Caire afin qu’il fasse ses études dans une école française privée. Le concierge de la maison de ses grands-parents l’accompagnait à l’école tous les matins à 7h30 et revenait le chercher à 17h après les cours.
Il maintenait le contact avec ses parents par correspondance et occasionnellement à l’aide du téléphone de son grand-père. Mayer rencontrait ses parents trois fois par an : A Noël et à Pâque il se rendait chez eux en train – il quittait Le Caire à 20h et atteignait Komombo le lendemain matin à 9h. En été sa mère venait passer deux mois au Caire. Son père les rejoignait pour un mois et ils partaient alors en vacances ensemble à Port- Saïd. La famille Zafran habitait rue de l’Armée, en dehors du quartier juif, comme de nombreuses familles juives aisées.
Après ses études secondaires au Lycée Français, Mayer entreprit des études d’architecture et de génie civil à l’Université du Caire. En 1952 il fut diplômé dans les deux disciplines.
Au début de ses études universitaires en 1946, Moshe Marzouk qui avait connu Mayer au mouvement de jeunesse ‘Maccabi Héhaloutz’ (Jeunes pionniers Maccabi) enrôla son ami dans la Haganah. Le moniteur Raymond Bayer enseigna aux jeunes membres l’hébreu et l’allemand. Mayer découvrit plus tard qu’il était le délégué de la Haganah en Egypte.
Une fois enrôlé dans la Haganah, Mayer se vit confier deux tâches :
1. Organiser des patrouilles de jeunes du quartier juif âgés de moins de 18 ans afin qu’ils y montent des gardes en période de crise. Il réussit à enrôler un effectif de 35 adhérents, dont sa sœur cadette Adrienne.
2. Organiser un groupe semblable chargé de surveiller le centre de la ville. Sa tentative d’enrôler un troisième groupe de jeunes militants échoua.
Peu après son enrôlement, Moshe fit subir à Mayer un entrainement au combat en corps à corps, armé d’un couteau ou d’une massue et lui confia à son tour l’entrainement des deux groupes qu’il avait organisés. Le but était d’être prêt à intervenir en cas d’émeutes éventuelles à l’occasion de la création de l’Etat Hébreu. Moshe supposait que des émeutiers du voisinage attaqueraient le quartier juif. Parallèlement à ses études universitaires et son engagement au mouvement ‘Jeunes Pionniers Maccabi’, Mayer entrainait clandestinement par groupes de huit, les jeunes qu’il avait recrutés.
Moshe possédait un révolver et Mayer entraina également ses jeunes à s’en servir. Son habileté au tir était telle que Moshe impressionné, en fit rapport au commandement de la Haganah en Palestine.
Un jour le commandant de l’unité de défense du centre de la ville l’interpella, se plaignant qu’Adrienne s’attaquait à lui et à ses subordonnés. Il répondit nonchalamment « défendez-vous donc » !
Le vendredi, quatrième jour du mois d’Yiar 5708 (date hébraïque), 14 mai 1948, en vue de la proclamation de l’Etat d’Israël, Moshe ordonna à Mayer de se rendre immédiatement au quartier juif et de le barricader en ne gardant qu’un accès unique. Il demanda également que tous les subordonnés de Mayer se postent dans les cages d’escaliers à proximité de l’entrée du quartier. Moshe était armé du révolver qui ne contenait que trois balles. Il donna une grenade à Mayer lui disant « j’espère que tu ne devras pas la jeter sur la foule car, si c’était le cas, la ville entière envahirait le quartier et massacrerait les Juifs ».
En effet, le samedi après-midi, au lendemain de la proclamation de l’Etat d’Israël, une multitude déferla sur le quartier. Elle comprenait des enfants enrégimentés, des membres des ‘Frères Musulmans’ et du mouvement ‘La Jeune Egypte’ qui incitait à la haine des étrangers. Mayer, la grenade en mains, les guettait en compagnie des 35 jeunes sous ses ordres armés de bâtons. Ils étaient postés en dehors de l’enceinte du quartier. Soudain un coup de révolver retentit. La masse s’immobilisa, fit demi-tour et prit la fuite. Mayer donna l’ordre aux siens de ne pas bouger. Il s’avança sur les traces des fugitifs, après quoi ses jeunes le suivirent. Lorsqu’il vit la foule se disperser sur la place Attaba, il commanda à ses subordonnés de regagner les cages d’escaliers. Une demi-heure après leur retour au quartier juif, la police arriva sur les lieux à la recherche du révolver mais celui-ci avait été caché depuis longtemps, de même que la grenade gardée par Mayer. Ils avaient été enfouis dans leur cachette sous le sol de la synagogue ‘Baal Haness’ (le Faiseur de Miracle). Tard dans la nuit, Mayer libéra la plupart de ses jeunes subordonnés hormis quelques-uns qui restèrent de garde. Il passa le reste de la nuit aux aguets sur la terrasse de sa maison.
Suite au putsch militaire qui eut lieu en Egypte le 23 juillet 1952, l’entreprise à Komombo fut saisie par l’Etat et le père de Mayer commença à travailler à la banque Zilkha au Caire.
En 1951, Moshe se rendit chez Mayer pour lui demander s’il consentirait à faire de l’espionnage au profit de l’Etat d’Israël. Mayer donna son accord et la cellule du Caire fut rapidement mise sur pied. Elle avait comme membres Moshe, Mayer, Eli Naïm, César Cohen et Marcelle Ninio. Les membres de la cellule d’Alexandrie étaient Samuel Azar, Robert Dassa, Victor Levy et Philippe Nathanson. Mayer mit en garde contre l’enrôlement de Marcelle craignant que si elle se faisait prendre, elle ne subisse torture et viol. Il questionna également pourquoi engager des Juifs locaux plutôt que des musulmans ou des coptes. Ses questions ou objections demeurèrent sans réponse… Quelques mois plus tard lorsque Moshe revenant d’Israël, dit à Mayer qu’on voulait qu’ils exécutent des actes de sabotage, Mayer s’y refusa.
Moshe Marzouk confia donc à Mayer des missions de renseignements. Il fut prié d’établir des plans de bases militaires, domaine dans lequel il excellait. Il trouva une série de prétextes pour pénétrer dans plusieurs bases aux environs du Caire. Il les parcourait de long en large en mémorisant ce qu’il observait, et de retour chez lui, s’empressait de reproduire les plans sur papier qu’il transmettait à Moshe. Moshe et lui rédigèrent également des tracts qu’ils distribuaient la nuit dans les rues du Caire.
Mayer fut attrapé en juillet 1954, quelques jours après la tentative d’attentat au cinéma Rio à Alexandrie. Il fut condamné à 7 ans de prison avec travaux forcés. Durant son incarcération, ses parents et sa sœur firent leur possible pour lui venir en aide ainsi qu’à ses amis. Lors de l’une des visites de son père, le commandant de la prison fut surpris de reconnaitre en lui l’employé de banque qui l’avait servi autrefois. Il lui promit donc de prendre particulièrement soin de Mayer.
Suite à la Guerre du Sinaï en 1956, le père de Mayer fut expulsé d’Egypte. Il prit le bateau pour Marseille et de là pour Israël. Le président Ytzhak Ben Zvi vint l’accueillir sur le quai à Haïfa et lui promit que l’Etat d’Israël s’occuperait de Mayer et de ses amis emprisonnés en Egypte. Sa mère refusa de quitter l’Egypte tant que son fils serait détenu. Grâce à sa détermination inébranlable, elle parvint jusqu’au directeur des services de sécurité en Egypte et obtint un permis de séjour dans le pays pour elle et sa fille Rosette jusqu’à la libération de Mayer. Toutes deux quittèrent l’Egypte en 1961 après sa libération.
Peu avant d’être libéré, Mayer reçut l’autorisation de participer au repas de Shabbat chez sa sœur aînée Rosette. De là il fut transféré pour la nuit dans une institution nommée ‘Takshiba’, puis dans une prison au bord du Nil où il demeura 3 jours en attendant son expulsion d’Egypte. La Croix Rouge s’occupa de lui et de Mayer